Les Statements PE 2023: Simone Rocha, Barragan et Christian Cowan
Il est parfois nécessaire de lire la notice de certains défilés pour comprendre ce que la mode peut encore avoir à dire sur l’époque. En voici 3.
Simone Rocha, dernière des Mohicans.
Barragan affirme la primauté du style sur la mode.
Christian Cowan clame des vêtements libérés des datas. Ouf !
Trois défilés en phase avec les utopies post-idéologiques,
si adôôôôrées par la fashion sphère.
Simone Rocha, Imperturbable
Être saluée comme une vision-keeper dans la mode est un graal.
Un graal pour lequel on veut bien se damner pour la Sainte Simone Rocha.
C’est bien simple:
la designer britannique d’origine irlandaise refuse de laisser
filer son style, refusant par conséquent de s’acclimater au mauvais goût du jour.
Peut-être le doit-elle à l’entêtement irlandais tant entendu.
En attendant, Simone Rocha poursuit son exploration
avant-gardiste autour des matières et lignes connotées vieux monde,
dans une tranquillité de Bouddha.
Tulles, lignes fourreau, perles en version XL…
Néo-Mary-Jane aux pieds – on parle de souliers, pas d’herbiers –
la fille Simone Rocha file l’avant-garde sans rage revendicatrice.
Mais avec cette envie de beauté romantique,
glissée dans des robes princesses taillées
dans des bombers de l’army.
Et ça, c’est un fashion statement.
Barragan, Hiéroglyphes Du Temps
Si le style est hiéroglyphe,
décryptons celui de Barragan.
Le designer mexicain utilise les projecteurs
braqués sur son défilé new-yorkais pour commenter l’époque.
Que restera-t-il de mode quand tout sera écroulé?
Car il y a trois choses insupportables dans la vie:
les gens qui s’habillent avec beaucoup d’ennui;
les gens qui veulent dicter à d’autres ce qu’ils haïssent,
et la surconsommation de basics.
Barragan torpille ces trois vices
en un tour de passe-passe fashion.
Alors Barragan fait débouler des escarpins en gros scotch métallisé.
Alors Barragan conçoit des robes scotchées à même la peau,
avec scotch imitant le sacro-saint billet vert.
Une critique du prix qu’elles – ces robes
– ne coûteront surement pas.
Son défilé donne aussi à voir une pléiade de caractères.
Les nanas aux lèvres triple-XXL aussi fat que l’ex-cul de K
— survivante de la fin du monde, avec la bouche
pour résidu des filtres qui l’y ont conduit.
Bouseux de l’Arkansas ou du Montana, on ne sait plus.
Et Homophobes guéris — « J’Adore Ur Hole » résume le sweat
qu’on aimerait voir porter partout.
Voici un défilé qui avait des choses à dire.
Christian Cowan: Panache
Christian Cowan — en voilà un qui donne
à la mode sa pure expression.
Funky et impeccable, appliquée et surdouée.
Stylisée sans se vautrer dans la facilité du vulgaire-disruptive:
Christian Cowan donne à goûter à la mode comme la liberté.
“Je suis ce que je porte, alors autant m’amuser !”
Une friandise à consommer sans modération.
