C’est une question qui revient en boucle, à chaque Fashion Week:
« A-t-on encore besoin des défilés maintenant qu’on a internet, Instagram et tout le baratin? »
Comment des influencers, des buyers, des journalistes qui ne rêvent plus peuvent-ils argumenter contre la pratique même du défilé? Le défilé, n’est-ce pas justement le seul pan qui subsiste de l’imaginaire de la mode?
Vérités générales. Le vêtement se vit d’abord sur un corps, avant d’être rationalisé, plat et vidé de sa charge romanesque. On va finir par croire que le toucher, la vue à 360° et les sensations sont un truc de boomer. Que nenni !
Il est de bon temps de se poser la question, certes. Mais autant poser la bonne.
A l’heure où l’on produit bien trop, de vêtements, de trajets, de carbone, d’usages uniques et tout le tintouin…
Voilà LA question:
A quoi sert de mobiliser une débauche de moyens pour balancer aux yeux du monde des vêtements moyens? Dans des défilés moyens? Destinés à épater le goût juste moyen?
Colère du poing. Examinons les faits.
Beaucoup de défilés qui inondent les Fashion Week et Vogue Runway n’ont franchement rien à y faire. Y défile une pléthore de poncifs — le genre manteaux beige ou pulls en cachemire noir ou marine. Banal assommant.
On y voit des mannequins robotiques et déshumanisés marcher au rythme d’une musique quelconque. Plus risible encore lorsque ces défilés se passent à l’extérieur — pathétique tentative disruptive. Rapprocher la mode des gens…
Quoi pour justifier l’organisation de ce genre de défilé?
Un film ou une affiche dans le métro ferait parfaitement l’affaire pour ces looks boring AF.
Economie de moyens. Economie d’énergie. Economie tout court!
Le nirvana visuel !
Le podium, c’est fait pour mettre en lumière les beautés invisibles
du vêtement.
C’est un show. Une célébration. On y célèbre la créativité déchaînée.
La liberté du corps. De l’esprit. On y célèbre l’ambition du parfait.
Le podium, c’est la matérialisation de la fameuse mise en scène de la vie quotidienne d’Erving Goffman.
C’est un tableau vivant. Une fable qui chante une autre vie, et autrement.
Le podium c‘est donner un coeur, des jambes, une expression nouvelle à des vêtements nouveaux car pensés pour égayer le paysage urbain de nouveaux personnages.
Le podium, c’est une ode à la Comédie Humaine. Un pastiche de la vie courante. C’est la version toute en jambe, torse et beauté du Guignol.
Avant de se vérifier sur les trottoirs, les vêtements sont rêvés sur un podium. Et le podium, ça contraint le dress code à rêver.
Alors franchement, y mettre un terme. D’accord.
Mais il ne faudrait pas oublier la dignité du podium.
C’est aux défilés qui n’ont rien à dire qu’il faudrait justement dire:
Basta avec vos basics!
Vous ruinez la planète avec votre spectacle bien trop ordinaire.