La Scène?
Je zigzague à droite, monte l’escalier, contourne un gigantesque
écran et hop: on entre dans l’expo.
Nuit complète, immersive, où les premiers looks éclatent dans l’obscurité comme des éclairs.
C'est la rétrospective d’Iris Van Herpen au MAD — un vortex où la mode, l'art, la science et un soupçon de magie ésotérique se fondent en une créature vivante et respirante: la couture d'Iris Van Herpen.
Même les mannequins,
rigides de plastique, sont animés par le souffle des vêtements.
Tout est mouvement!
Le public, lui comme moi, prend de longues inspirations.
Zenifié à la vue de ces silhouettes qui chuchotent des secrets universels.
Dans son labo-studio, Iris Van Herpen s’est faite voyageuse du temps,
fusionnant idées et époques.
Bosch et le futurisme.
L’antique et l’ultramoderne. L’alchimie et les technologies 3D.
Un clin d’œil à la collection Plato’s Atlantis de McQueen?
Absolument.
Iris Van Herpen est incontestablement l’héritière de cette révolution
— magie 3D, biomimétisme, matériaux avant-gardistes et tout le tralala.
Plato’s Atlantis a été le chant du cygne de McQueen, et probablement le point de départ du voyage d’Iris.
Iris Van Herpen joue avec les éléments bruts – lumière, air, eau et terre.
Ses vêtements sont sculptés par les forces primordiales de la nature
— pensez coquillages, os, échos des profondeurs marines et des forêts immenses.
C’est une explosion de la beauté pure et brute, de notre monde naturel,
méticuleusement enfilée, cousue, et transformée en robes
qui arrachent au public des “wahouu“ et des “c’est magnifique!“
En repoussant les limites de la biologie, de la physique et de l’ingénierie,
Van Herpen transforme ses créations en manifestations tangibles de la discipline qu’est la MODE.
La mode est un véhicule de sens,
un pont entre le macrocosme, l’art et la science.
Chaque pièce de Van Herpen est un écrin de savoir,
un récit tissé qui raconte une histoire
de découverte, d’innovation et de beauté.
Celle des homo sapiens sapiens habillées en Iris Van Herpen — éponges de mer, coquillages, ossements… Les vêtements des premières civilisations devaient certainement ressembler à ceux d’Iris Van Herpen; taillés pour leurs corps forcément sveltes car forcément actifs.
Imaginez. Scène surréaliste: Annunaki, Muviens, ou Atlantes qui s’exclament:
« Hey!! Lâche tes pierres une seconde, et viens voir ma robe en polymère thermoplastique et organza de verre! C’est du Iris Van Herpen. »
Direction l’Embassy of the Free Mind à Amsterdam pour s’en convaincre.
Ce hotspot de savoir, où la sagesse ancienne culbute les idées avant-gardistes, a largement donné matière à la réflexion d’Iris Van Herpen.
Et puis, rarissime fashion fact — dans ces 100 pièces de haute couture rassemblées au Musée des Arts Déco, peu de faux-pas.
La définition même de la Grâce et de l’Élégance. Sexy, sensuelles, naturelles, captivantes.
Ces robes sont tout ce que la mode peut et devrait être – un miroir de notre dextérité, un voyage à travers nos rêves les plus fous.
Lourdes comme des sabots Hollandais, elles clouent au sol ces robes prêtes à s’envoler vers la stratosphère.
Alors justement… Quitter l’exposition d’Iris Van Herpen, c’est comme revenir d’un voyage dans le multivers, où l’on a effleuré l’étoffe même de l’existence.
L’esprit enivré d’une beauté insondable, la descente est forcément cruelle
Rejetée dans la banalité de la rue de Rivoli, la mélancolie m’envahit. Triste parce que je retourne dans un monde où les vêtements d’Iris Van Herpen ne sont pas la norme.
Dommage que ces pièces si humaines ne soient finalement pas accessibles au commun des mortels.