Donner c'est Voler: Fripes, Fric et Afrique

Le Fashion Effet Papillon: Les dons de vêtements en Occident provoquent la ruine de l'industrie textile en Afrique.

Si les images rapportées d’Afrique Subsaharienne laissent entrevoir des enfants affublés de maillots de foot estampillés PSG, d’autres gens en tshirt-jean-haillon-basket ou des paysans en costume, c’est qu’il y règne une relation mode-à-effet toute particulière…

 

Déjà du temps des colonies, le circuit de la mode trouve en Afrique un marché-débouché idéal pour des vêtements dépassés, tout juste bons à couvrir le corps.

Les réseaux de charité catholique se chargent alors de l’approvisionnement et, geste ultime d’élégance, le don de vêtement devient une affaire de fraternité.

Reste que derrière ce commerce se niche surtout la volonté
de ‘civilisation des corps’.

L’Afrique vit nue. L’Occident la vêtira.
Généreux.

Ni une ni deux – la grande épopée consumériste de l’après-guerre
peut se mettre en place.

Les tendances de mode posent les Edits saisonniers:
Les saisons passent, les modes avec, les dons s’entassent.
Hallelujah.

 

Dès 1950, les grands centres de tri sont délocalisés en Tunisie.
Mode douteuse mais commerce quand même, 5% des habits sont redistribués sous forme de don; le reste peut aller envahir d’autres marchés.
Alors, direction l’Afrique Subsaharienne. 

 

 

«  La charité est un mouvement d'orgueil dans un geste d'humilité  »
V. Jankélévitch
Extrait de l'oeuvre "Children’s Game #29: La Roue" par Francis Alÿs

En 2017, les dons en Occident représentaient 8 millions de tonnes (Oxfam, 2017). Il faut bien avouer à 150€ la tonne, le don a de quoi nourrir un commerce juteux. Un commerce où les associations caritatives, moyennant 1€ la tonne, vendent le droit d’exploiter leur nom.

Les conteneurs griffés Emmaüs ou Restau’ du Coeur, gracieusement remplis par la générosité des occidentaux, finissent à leur tour par remplir les poches de ceux qui en exploitent les ballots.

La bonne conscience est sauvée.

« C'est un peu comme si le textile vivant d'Afrique est en concurrence avec des vêtements déjà morts en provenance d'Europe et des USA »
Dieudonné Essomba

Dans certains pays Africains, la fripe va jusqu’à représenter 50% du marché du prêt-à-porter (Brooks et Simon, 2012).

Alors qu’achètent ces hommes et ces femmes? Ceux pour qui ‘bien s’habiller’ revient souvent à porter la mode occidentale? Ils acquièrent une prétendue modernité; des vêtements certifiés en phase avec le progrès.

Colonie hier, plaque tournante de la fripe aujourd’hui, l’Afrique est une nouvelle fois forcée de renoncer à sa culture propre. Pastichant la mode ordinaire d’un Occident peu inspiré, le vêtement ici ne remplit plus que sa fonction première.

Exit l’intérêt d’une identité, exit le vêtement porteur d’une histoire, d’une culture, d’un savoir-faire: l’esthétique d’une Afrique propre à soi reste à se réapproprier.

Suggestion: laisser ces pays développer leur industrie textile, histoire qu’en retour, ils inspirent à l’Occident des pièces un brin plus extraordinaires que les dégaines standardisées et franchement médiocres qui peuplent les rues.

Ou quand la mode Africaine lèguera peut-être au monde un nouvel âge d’or de la mode.