Underground il y a 40 ans, célébrée en 2017 au MET Gala: Rei Kawakubo a su clore comme personne le débat renvoyant dos à dos l’art, la mode et le business. Car si le vêtement est avant tout ce qui couvre un corps, celui de Rei Kawakubo se pense d’abord comme l’exploration des possibles.
Une mode ultra-conceptuelle, importable, qui fait pourtant tinter les tiroirs caisses à hauteur de centaines de millions.
Le petit coeur Comme Des Garçons a envahi les trottoirs du monde entier, sur des pièces plus banales que clinquantes.
Mais côté catwalk, Rei Kawakubo fait tout sauf se vautrer dans le déjà-vu.
Dans un climat aussi frileux et lyophilisé que le notre, rares sont les expérimentations qui en méritent encore le nom.
La mode s’émerveille aujourd’hui à coup de glitz’n’glam, de fessiers, d’acrobates, ou de fusée plutôt que des sérieuses innovations tissulaires qui ont lieu.
En la matière, Rei Kawakubo, elle, est archi-épatante.
Parce qu’elle n’accorde aucun intérêt à la garde-robe fonctionnelle. Parce qu’elle cloue le bec aux experts du marketing qui l’assurent: la créativité ne vend pas.
Sur le podium, souvent, ses mannequins-chimères s’élancent pour incarner les affres du moment.
Et c’est mega-pop!
L’idée?
Imposer à l’oeil une nouvelle façon de décoder le corps et la beauté.
Les pièces CDG sont d’une originalité folle – du jamais vu, jamais porté, jamais pensé, jamais osé!
Et ce à chaque saison.
Elle en est à plus de 90.
« Le grand problème de la mode depuis quatre ou cinq ans, c'est qu'elle est devenue trop facile à comprendre, à porter. Trop superficielle et mondaine. Insouciante, se contentant de choses stupides.
Sans souffrance, ni vrai travail de recherche. Tout va contre la création. On vous critique même d'être trop recherchée quand c'est recherché. Tout le monde est soulagé que tout soit pareil. Or, moi j'ai toujours tendu mes efforts vers quelque chose qui n'existait pas »
Inventer, sans cesse. De nouvelles façons de vendre, de présenter, d’attirer et de contenter les foules. Ventes flash, séries limitées, pop-up, merch-drop. Rei Kawakubo est la première à les penser.
C’est peut être ça, le fameux art total dans la mode – l’équilibre entre audace et soumission aux règles du marché tient à l’aplomb d’une Kawakubo.
Et puisqu’un lieu vaut 1000 mots, c’est à Dover Street Market, à Londres,
qu’il faut se rendre pour comprendre la mode Comme Des Garçons.
Un concept-store nouveau genre, orchestré par la maison pour contextualiser ce que les autres ne font que vendre.