A Quoi Sert Encore le Journalisme Mode?

Propos édulcorés, prise de positon inexistante et absence d'originalité – ancien gardien de la culture, le journaliste de mode n'est aujourd'hui le garant que de sa propre carrière.

 

 

L’industrie de la presse est en chute libre. Ce n’est un secret pour personne. Et personne ne semble pouvoir y remédier. Ou plutôt, savoir y remédier. 

Les blogs, Instagram, le tout-digital, le QI à la baisse des nouvelles générations… Si les coupables sont aisément désignés, rares sont les têtes
à s’interroger sur les raisons de cette fuite des cerveaux. 

Reste que, contrairement à ce que nombre d’éminents observateurs veulent bien observer, les jeunes restent curieux des affaires du monde.

D’autant lorsque ce monde fonctionne comme une bulle de champagne fondamentalement hors-sol. 

La presse n’est pas à une contradiction près. Avide de nouveauté, sans cesse en demande d’originalité, saison après saison, le secteur est lui-même incapable de créativité. Aussi bien dans la forme que sur le fond.

A minima, la presse mode repose sur un format vieux de 300 ans.

Au cœur des rédactions du monde entier, les têtes ont beau tomber. Les logos changer. Rien n’y fait. L’air du temps leur demeure impénétrable. Dommage, lorsqu’il s’agit du coeur même de la profession.

 

Un peu d'histoire...

Succédant aux poupées-mannequins distribuées aux quatre coins du monde pour répandre la mode de Louis XIV, le magazine devient le principal véhicule de la mode. Le premier de tous s’appelle Le Mercure Galant.

En 1672, texte et illustration forment déjà son propos. Mode actuelle et dépassée, bon ou mauvais goût: le rôle du journaliste est alors de capter ce qui fait l’actualité.

2023, alors même que les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettraient, a minima, une approche innovante de la relation texte/image, les magazines n’en font rien. Enfin…

Les quelques tentatives d’insertion de GIF et autres images en mouvement sont franchement ridicules.

La presse passe à côté de son époque.

Restent ainsi des pâtés de textes indigestes. Le sérieux que la presse mode veut absolument se donner ne tient qu’à ce format.

Des lignes et des lignes servies à une société biberonnée au fun, aux formats courts et à l’entertainment.
Raté.

Le vêtement a changé. La façon de vivre a changé. Le style a changé. La planète a changé. Le monde a changé. Le journalisme, lui, s'est morphé.

Total looks imposés dans les éditoriaux.
Propos inspirés sinon calqués sur ceux des attachés-presse.

A l’heure où les Instagramers remplissent tout aussi bien la mission de ‘vendre du rêve’, le journalisme de mode n’a plus l’apanage de l’imagerie niaise.

La planète engluée dans un désastre écologique, le journalisme de mode fait l'autruche...

A chaque saison, le moindre trick ou truc est présenté comme une nouveauté. Lus texto dans les compte-rendus ELLE & Co. 

Réactionnaire, le journaliste de mode ne cesse de rappeler à lui les références d’un temps à jamais périmé.

Une pièce peut-elle encore être moderne en 2023? 

Il est peu certains que les figures populaires référencées n’aient encore quoi que ce soit à dire sur l’époque. Preuve s’il n’en fallait qu’une: Brigitte Bardot. 

Le journalisme de mode est à son image – aigri du temps qui court, incapable d’insérer son propos dans un monde où la provocation, le style et l’attitude sont plus qu’une affaire de chiffon.

Autrefois décideur du goût, diffuseur du cool, gardien du savoir-être… Nombre de journalistes de mode sont à présent les garants de leur seule carrière. Sans intérêt pour le lecteur.