Pourquoi Ça Plaît: Casa De Papel

An article written by Doria

Au-delà du matraquage médiatique, du FOMO, du besoin grégaire de l’Homme d’appartenir à une communauté. Au-delà d’être le sujet parfait des déjeuners/ dîners/goûters à meubler…

La Casa De Papel plaît. Car il y a plus. 

Les imaginaires sont des orgues sur lesquels les créatifs les plus talentueux peuvent bien jouer n’importe quoi. 

Tant que leur partition veille à souffler sur les cordes sensibles; éveillant celles qui sont enfouies chez l’Homme primitif qui nous habite. 

Tous.

Examinons la partition de La Casa De Papel
¡Vale! 

 

1. Le Mythe de la Planche à Billet sur fond de Persiflement Hispaniques

Sur quoi repose cette obsession évidente d’un public bien gentiment lové dans son canapé?

La Casa De Papel est d’abord une histoire contée; susurrée dans cette sonorité persiflante propre à l’Espagnol.

La voix off raconte mais la voix off instaure surtout une distanciation — des plus primaires, peut-être, mais c’est efficace.

L’exaltation est pareille à celle provoquée dans l’enfance par la nounou, la mère, le père, le frère bref… Par ses histoires de méchants voleurs qui sont en fait de gentils gredins.

N’est-ce pas le rêve de tout un chacun que celui de baiser le système putain?

Eux l’ont fait. Et pas n’importe comment.
A côté du gang de la Casa, Jacques Mesrine c’est le boucher de Rostov. Raconté par ta nounou Andalouse — accent chantant les aventures de l’Espagne et tout et tout.

Et puis eux n’ont pas besoin d’une cavale pour tenir en haleine les 2,3 millions de spectateurs.
Que nenni! 

Ils ont l’exotisme hispanique. Le mystère et le parfum de danger qui planent autour des latinos.
Ay ay ay!

L’intrigue joue volontiers sur le mythe qui fait vibrer n’importe quel proto-prolo: la planche à billet.

La fameuse planche magique, ou la version 21e siècle de la peau d’âne, de la lampe d’Aladin, et tout le tralala qui rend riche donc heureux.

Du coup, voilà tout le pitch de la série résumer en une phrase — faire tourner la planche à billet jusqu’à ce que la police finisse par craquer et décide de buter tout le monde. Otages compris.

Groovy, non? 

L'argent, rien que l'argent. Produit pour rien, à vide, comme ça, rien que pour le fric.

Enfin. 

L’argent est produit par 67 otages tournés travailleurs forcés.
Enfin, l’un d’eux est quand même la fille de l’ambassadeur du Royaume-Uni.

C’est ça, baiser le système putain.

 

2. En Majeur: On se tire au Soleil, avec Le Magot — mais un Magot Ethique 

Attention, concept: La Casa De Papel plonge le spectateur face à une vraie question… Peut-on condamner un vol qui n’en est pas un? 

Techniquement, le gang globe-trotter n’a pas commis de vol puisqu’il imprime les billets de son propre larcin. Tadaaah!
Le public est en tenaille entre la droiture, le beurre et l’argent du beurre.

On a vite fait de prendre partie, surtout que la corde des mythiques cocotiers est tirée! 

Et quels cocotiers…

Le rêve ultime de 93% de la population avachie devant Netflix, chez elle ou dans les transports (source: Airdoxa pour le JPP)

Ces cocotiers plantés sur cette plage de sable fin; plantée elle sur l’océan Pacifique, si limpide — le fantasme ultime de l’homme Européen.

On rassure Camus, le mythe de Sisyphe a encore de quoi rapporter un pognon de dingue aux oppresseurs de l’imaginaire.

 

3. Le Grand Final: Renversement de la Morale. Ciao Bella!

Près de 3 milliard d’euros imprimés en 11 jours à la Fabrique Nationale de la Monnaie et du Timbre à Madrid.
Sans voler l’argent du contribuable, sans mort, sans violence…

Sauf de la part de la police.
A croire que le créateur de la Casa De Papel, Álex Pina, s’est largement inspiré des méthodes des flics ripoux.

Français, Franquistes ou autre d’ailleurs. Le résultat est le même.

C’est bien la Police qui tire à l’aveugle. Les violents, ce sont eux.

Ce faisant, Álex Pina parvient à renverser d’un coup de chanson folklo’ l’immanente balance du bien et du mal.

Le cerveau de la Casa, c’est finalement un professeur bien sous tout rapport. Et jamais il ne perd au yeux du public son statut de bonne personne.

Mais qu’on rassure tout le monde tout de suite, les clichés sont bien à leur place — les femmes, même voleuses, sont toujours sexy; la scène du groupe qui exulte et chante et danse a bien lieu, elle aussi.

Allez, Bella Ciao!