La mort au cinéma, c’est rarement celle que nous aurons.
Et c’est très bien comme ça.
Faut-il avoir 30 années d’expérience dans les cinémathèques du monde entier pour parler d’un topic aussi banal que la mort dans les films? Non.
En 2023, la mort au cinéma provoque la même émotion que le Balloon Dog de Jeff Koons. C’est à dire: Rien.
On connait le refrain. On l’attend. On la devine.
Tapis dans une allée sombre, quelqu’un qui s’éloigne au loin, dans une brume… Là, BAM. Un autre vient, et le tue. PAN PAN.
Au pistolet. A la hache. A la tronçonneuse. Au tournevis. Mort par étranglement, étouffement ou que sais-je encore... Tant qu'il y a douleurs extrêmes et sensation d'extrême brutalité. Ça marche!
Ah! La descente en vélo. Iconique. Une accélération en voiture. On s’y attend et… BIM, un camion percute de plein fouet.
Tropisme du cinéma en 2023. La mort aux trousses
Ce qui avait commencé comme l’exploration du tabou ultime de l’homme se poursuit dans un qui-mieux-mieux franchement lassant.
L’intellect et l’imagination du spectateur ne comblent plus seulement les vides savamment laissés hors-champs.
Ils les prédisent.
Le spectateur, en 2023, sait beaucoup de choses sur la mort au cinéma.Il a compris les tricks de la narration. Le calme d’une scène est annonciateur… le noir et l’effet de lumière le doublent…
Et c’est la mort qui attaque!
En ce moment dans les films, on meurt comme on éternue - comme ça, n'importe où, n'importe quand. Tout le temps et de toutes les façons.
C’est comment de mourir? Le cinéma répond: c’est Ok! La mort au ciné, c’est donné
Le cinéma ne questionne plus la mort, il la donne.
Explorer la mort au cinéma c’est voir les 1001 façons qu’il y a de perdre la vie. Ça force à fermer les yeux, ou ça crispe les glandes — dans certains cas, la mort est tellement extrême qu’elle force le rire.
Dans l’histoire du cinéma, on a beaucoup écrit sur le cinéma cathartique. Le cinéma thérapeute. Le cinéma qui sublime, magnifie, apaise les angoisses existentielles. C’était surement vrai de ce que l’on résume d’un trait lorsqu’on parle de “vrai cinéma“.
Que reste-t-il en 2023?
Un cinéma où l’on vit la mort par procuration, toujours. Mais une mort donnée dans des moments que l’on ne vivra jamais.
La mort au cinéma est aujourd’hui tellement exagérée qu’elle normalise ce qui ne le sera, finalement, jamais.
On ne meurt pas, on est tué. Ou on disparaît.
Dans tous les cas, le cinéma nous ment, peut être.
Mais le cinéma contemporain nous montre toujours ce qu’on ne verra jamais: la mort en face. Car c’est bien souvent dans un hospice tout aussi lassant qu’on finit par s’éteindre.
Credits:i-Origins, 2014, Mike Cahill
Pulp Fiction, 1994, Quentin Tarantino